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mardi 11 janvier 2022

10 ans plus tard...

J'écris cet article à la volée suite à deux évènements récents.

Le premier.  Je me suis rendu compte il y a quelques jours, que cela faisait 10 ans que j'avais fait ce pari fou de vivre un an sans huile de palme. Et depuis, le monde continue de tourner, et moi, d'avancer.

Des projets personnels, curieuxdesavoir.com et PuiSciences depuis peu. Comme amoureux des sciences et de leur transmission, j'enseigne la physique chimie au collège et en lycée. J'adore mon boulot. Je m'amuse tout en faisant quelque chose que je pense indispensable à la Société. La méthode scientifique mais aussi l'amour de la recherche, de la question, sont au cœur de mes apprentissages. Et ces deux dernière années de pandémie, qui ont encore fait très mal à la science, me rappellent à quel point nous avons besoin de méthode.

D'un point de vue personnel et professionnel j'ai vécu 4 années aux USA et j'entame ma seconde année au Maroc. On ne peut pas imaginer la richesse et la perspective que cela apporte de vivre à l'étranger. A la fois chez-soi partout et nulle part, constamment à remettre en question ses références. A apprécier la chance qu'européens nous avons. Et quand on "rentre" ou qu'on regarde les informations, c'est déstabilisant. Parfois. Incompréhensible. Lunaire.

Dire que les États-Unis est une Terre de contraste, c'est cliché, mais que c'est vrai. Tous les opposés s'expriment et s'agitent en liberté. Des plus réactionnaires que j'ai pu rencontrer : créationnistes, négationnistes du climat, aux plus alertes dans les musées de sciences et d'art gratuits, des jardins partagés etc. Ici au Maroc, jeter ses déchets par la fenêtre de sa grosse voiture ne choque personne ou presque. Au fin-fond des villages de l'Atlas, nul ramassage de déchets. On jette là, on brûle. Et l'huile de palme, c'est bien évidement secondaire. Deux pays où il y aurait tant à dire.

Bref, le second évènement, c'est don't look-up. Un film à moitié satirique qui montre deux scientifiques brasser du vent pour alerter la communauté mondiale d'un danger imminent : un astéroïde qui menace la Terre. J'étais mal devant ce film, voir ces personnes alerter, crier et qu'en face on rétorque rires et argumentaire fallacieux.

Je suis alors tombé sur l'article de Valérie Masson-Delmott, climatologue. Et elle dit tout ici :

"Le film montre le décalage, que j’ai souvent ressenti, entre la recherche scientifique, les médias et le pouvoir politique. Il pose ainsi la question de la formation des scientifiques pour s’exprimer dans les médias, et la difficulté de journalistes ou de décideurs politiques à intégrer les connaissances scientifiques." 

Ces deux phrases sont profondes, parfaites. Vous n'imaginez pas à quel point c'est vrai. Et surtout indispensable à prendre en compte. J'y ajouterais peut être encore, qu'il y a un décalage encore plus grand avec le public.

Une grande partie de nos connaissances vient de la recherche. De gens qui passent leur vie sur le terrain, à la paillasse. Loin des élucubrations publiques, des pseudo-stars médiatiques, et autre néo-spécialistes du peer-review.

Trier les sources, avoir une vision globale. Objectivement. Convaincre sur la base de la raison. La culture de la précision, de la remise en cause perpétuelle. Le prisme des médias et les politiques tordent les données, les faits. Se pose alors la vraie question de la confiance qu'on peut accorder à nos informations. Et je suis content d'avoir, il y a 10 ans, alerté en me basant sur la recherche, sur les papiers scientifiques et équilibré avec la réalité.

Je suis toujours l'actualité de l'huile de palme. La situation évolue sur certains points, l'agrocarburant prend la place de la palme dans la nourriture. Seule lumière peut-être, de véritables décisions politiques en Indonésie pour le zéro déforestation.

Part de la déforestation pour l'huile de palme suivant les pays. En Indonésie la médiane est à 10 %, contre 50% en Malaisie

Sans spoiler la fin du film. Les deux acteurs principaux disent en substance "nous avons fait ce que nous devions". Pour l'huile de palme j'ai fait ce que j'ai pu. Pour la pandémie actuelle, des proches sont morts de la désinformation. J'ai fait ce que j'ai pu. 

Si chacun est libre, les conséquences de nos choix sont souvent collectives.

Bien à vous cher·e·s lecteur·rice·s,

بارك الله فيك

Peace.

Sources

Murphy, D. J., Goggin, K., & Paterson, R. R. M. (2021). Oil palm in the 2020s and beyond: challenges and solutions. CABI Agriculture and Bioscience, 2(1), 1-22. https://link.springer.com/content/pdf/10.1186/s43170-021-00058-3.pdf  
 
Meijaard, E., Brooks, T. M., Carlson, K. M., Slade, E. M., Garcia-Ulloa, J., Gaveau, D. L., ... & Sheil, D. (2020). The environmental impacts of palm oil in context. Nature plants, 6(12), 1418-1426.

 
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2 commentaires:

  1. Parce que en effet, et malheureusement, les faits ne suffisent pas, voir le dernier livre de B Latour, https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-vendredi-07-janvier-2022
    Elodie TP

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